Dans la culture
hermétique, les initiés ont toujours comparé les propriétés de la substance
spirituelle précédant la matière à celle d’un océan, parce que son eau remplit
le “vide” (« vidia » se traduit par « la connaissance
» en sanskrit) comme le ferait l’eau dans n’importe quel récipient. Cet océan
fait écho à la mer cosmique d’énergie noire à laquelle David Böhm faisait
allusion. Puisque l’homophone de « mer » : « mère », vient de « mater » en
latin, nous pouvons tisser des liens sémantiques intéressants entre « mère », «
mer », « mercure » (avatar d’Hermès-Trismégiste chez les Latins), «
matière », « matrice » et « Marie » (« Marie » est l’anagramme de « aimer »).
Si cette matrice
invisible est à l’origine de toute manifestation, l’assomption qu’elle soit
vierge coule de source et l´emblème de la
vierge noire (le noir, en opposition à la synthèse des 6 couleurs du spectre visible, exprime l’absence de
lumière), comme celui de la vierge Marie devient alors plus explicite sous
l’angle de la théosophie, puisque la Sainte-Vierge, la reine mère, la mer
divine, est la figuration ordinaire du mercure des philosophes. Curieusement,
l’anagramme d´« énergie noire » est « reine ignorée »,
ce qui nous rappelle la parabole du vers 1:5 du poème biblique du cantique des
cantiques, probablement né des amours entre le Roi Salomon et la Reine de Saba
: « je suis noire, mais je suis belle (…)
».
Au XIIème siècle,
dans son ouvrage Livre secret
traitant de l’art caché et de La Pierre Philosophale, l’alchimiste Artéphius nous présentait l’eau des sages de cette
façon : « Ô combien est précieuse et
magnifique cette eau ! Car sans elle l’œuvre ne se pourrait parfaite : aussi
est-elle nommée le vaisseau de la nature, le ventre, la matrice, le réceptacle
de la teinture, la terre et sa nourrice, elle est la fontaine dans laquelle se
lavent le Roy et la Reine, et la mère qu’il faut mettre et sceller sur le
ventre de son enfant qui est le soleil ». Commencez-vous à comprendre comment les cabalistes brouillèrent
délibérément les pistes remontant à l’océan primordial par le maniement d’un champ lexical
volontairement alambiqué, afin de définir une chose unique, soit, en
l’occurrence, l’unicité de la matière – la materia
prima ?
Dans le Corpus Herméticum, le vers 16 de l’extrait d’un discours d’Hermès à Tat affirme que : « tout ce
qui existe est en mouvement ; le non-être seul est immobile ». L’unité,
état préliminaire à la manifestation divine, pourrait alors s’imaginer comme de
l’énergie sous forme d’ondes stationnaires, et lorsque cette énergie est
vectorisée, le tout se met en mouvement pour créer l’espace, le temps et, par
conséquent, la matière. La matrice universelle naît de la rupture de
l’équilibre spatiale de l’unité : cette première impulsion est la Force
forte de toutes forces, son Spiritus Mundi et
son Saint-Esprit. C’est le
passage de l’Ain Soph à l’Ain Soph Aur dans l’arbre de vie de la kabbale
hébraïque.
Un cabaliste chevronné
décomposerait le mot « saint » en 3 parties, soit « s », « ain
» et « t ». Le « t » muet est le tracé d’une croix, elle exprime le centre. «
Ain » est le principe qui précède la matière, qui définit l’« abîme » et « la non-existence » en hébreu et s’entend « un », chiffre
de l´unité en français, et « s » est la lettre de la manifestation, parce
qu’elle ondule comme la représentation graphique d’une pulsation. En d’autres
termes, le saint est une personne dont la signature vibratoire résonne avec la
première impulsion sortie du centre de l’unité. C’est la raison pour laquelle
l’âme d’un saint – son esprit – sera toujours au plus près de la résonnance
divine et créatrice de l’Éternel.
Les différents états de
la matière pourraient alors se comparer aux barreaux d’une échelle, où la Force
matricielle se cristallise, ou se condense graduellement, dans des formes plus
ou moins régulières. Cet état de fait est appuyé par la meilleure définition que vous pourrez
trouver de l’alchimie, celle de Fulcanelli : «
l’alchimie est la permutation de la forme par la Lumière, le Feu ou l’Esprit ».
Même si, d’après le
témoignage d’Irénée Philalèthe (1628-1665), la transmutation métallique semble être une
réalité, faire de l’or pour s’enrichir n’a jamais été la finalité de
l’alchimie. Là encore, beaucoup se sont fourvoyés à ne pas comprendre les
écritures cabalistiques de nos aînés. Séparer le pur de l’impur, c’est passer
d’une matière vile à une matière rectifiée. Plus les arrangements moléculaires
deviennent simples et ordonnés, plus la matière et la source matricielle tendent graduellement vers la
réunification, vers l’unité. La matière se purifie dans une révolution inverse
à la chute luciférienne (« Lucifer » est « le porteur de Lumière » en latin.
Il apparaît pour la première fois dans la mythologie grecque, où il est le
gardien des chevaux du dieu solaire Apollon), d’où le concept de
l’éternel retour Nietzschéen. La fameuse immortalité, sur laquelle les rêveurs
fantasment tant, n’est peut-être finalement que la recherche de l’éternité, de
l’immobilité absolue, là où l’éternel se repose, au plus près de l’unité. Le
royaume de la science des adeptes est donc, par définition, en dehors du temps
et de l’espace. En outre, et contrairement à la science moderne qui se
préoccupe exclusivement de la matière, l’alchimie, la magie et l’astrologie se
polarisent directement sur la matrice et les lois invisibles qui l’animent.
-
L’astrologie jauge les variations énergétiques du
Feu céleste.
-
L’alchimie est la manifestation de ce Feu dans les
organismes, a priori, inanimés (les minéraux et les plantes)
-
La magie canalise ce Feu directement dans le corps
de l’adepte. Ce dernier est un mage, dans le sens noble du terme, a toujours eu
une parfaite maîtrise du Feu cosmique, de cette Force qu’il fait transiter à
travers les chakras de son corps, afin de la moduler, puis de la rediriger,
suivant l’utilisation qu’il voulait en faire au préalable. Soit à des fins
positives si l’amour de Dieu remplit son cœur (magie blanche), soit pour semer
la division et la destruction s’il le côté obscur (magie noire) l´a
définitivement séduit.
À l’horizon de nos
conclusions, il apparaît que le principe moteur de toute existence – la Force sous-jacente à
la vie – est généré par une
matrice qui trouve son origine en dehors des frontières de notre réalité. Une
déduction qui semble être partagée par Niels Bohr, prix Nobel de physique, vu
qu’il déclarait en 1922 : « toutes les
choses que nous appelons réelles sont faites de choses qui ne peuvent pas être
considérées comme réelles ».
Puisque l’Esprit
matriciel est en dehors du champ sensible et mesurable, comment est-il possible
de percevoir sa substance dans le monde accessible aux hommes ?
•••••
À mon sens, si cette
Force créatrice est la cause d’effets tangibles, sa signature doit
obligatoirement être observable dans la nature. Il est donc possible
d’entrevoir les mécanismes de cette matrice
en endossant la mentalité d’un curieux insatiable, c’est-à-dire en ouvrant
grand les yeux. Dans cette volonté, la spécialisation dans un domaine ou dans
un autre serait une grave erreur, le
Philosophe de la nature doit ouvrir le champ des possibles à tous les
domaines scientifiques, de l’astronomie à la minéralogie, soit, en d’autres
termes, à tous les phénomènes visibles entre le ciel et la terre. L’empreinte
de la Force doit être présente partout, et comme le suggère la table
d’émeraude, dans l’infiniment grand comme dans l’infiniment petit. Le travail
consiste à relever ses traces puis à trouver les analogies qui les lient.
C’est en œuvrant à cette
tâche que le mathématicien Léonard Fibonacci remarqua au XIIIème
siècle de l’ère chrétienne qu’une suite arithmétique était liée à la génération
dans le monde biologique. Dans la
progression de cette suite, chaque nouveau nombre est la somme des deux autres
qui le précédent, soit 0, 1, 1, 2, 3, 5,
8, 13, 21, 34, 55, 89, 144… et ainsi de suite.
Plus les nombres deviennent élevés, plus le rapport entre un nombre et celui
qui le précède tend vers une constante mathématique d’une valeur de 1,618. Ce
rapport de proportion était défini par le père de la géométrie
grecque, Euclide, comme le partage d’un segment entre extrême et moyenne
raison. Ce rapport, dans lequel la phyllotaxie du monde végétal est sans doute
l’exemple le plus explicite, se répète invariablement dans toutes les créations
de la nature.
On observe ainsi des
arrangements spiralés de cette matrice numérique dans les fleurs, le chou romanesco
et la pomme de pin, mais aussi dans la coquille des nautiles et des
gastéropodes. Ces analogies sont tout à fait stupéfiantes parce qu’elles ne se
limitent pas à ces quelques exemples, elles trouvent un écho universel dans les
3 règnes du monde vivant : le minéral, le
végétal et l´animal. La nature fait de la géométrie, automatiquement, sans
équerre ni compas. La nature n’a pas besoin de plan, elle est le plan. Son
architecture, surtout lorsqu’elle s’exprime de manière hélicoïdale («
hélicoïdale » et « hélice » ont la même racine étymologique qu’Hélios, le
dieu solaire des Grecs) et logarithmique, est tout simplement
éblouissante. Je ne comprendrais jamais pourquoi la plupart d’entre nous
restent encore stoïques devant tant de beauté et d’élégance ? N’ont-ils pas
d’yeux pour voir ?
De nos jours, le rapport
égal à 1,618 est plus connu sous l’appellation du « nombre d’or ». Il fut popularisé par Matila
Ghyka au XXème siècle et résulte d’un
croisement entre la sémantique et la mystique. L’étymologie du mot « or » vient
d´« aor », « aour », « aur » ou « our » dans les
langues sémitiques et se traduit par « la Lumière ». Lorsqu’on se souvient du prologue de Saint-Jean où il est écrit :
« le Verbe était dieu (…) Le Verbe était
la vraie Lumière », la corrélation entre Dieu, le Verbe, la Lumière et le
nombre d’or devient plus qu’évidente pour un des modes de pensée chez les
mages : le raisonnement synonymique. Si vous cherchiez une preuve concrète
de l’existence de Dieu, le nombre d’or donnerait à votre argumentation une
dimension factuelle qu’il serait difficile de réfuter. D’autant plus que le
symbole grec du nombre d’or : Φ, définissait chez les
premiers adorateurs du Christ « la Force de Dieu », « la Volonté » (« le Telesme » de la table d’émeraude) ou le principe de
concentration de l’Esprit dans la matière.
La signature de Φ se manifeste aussi dans l’anatomie humaine. Parmi
la multitude d’exemples que nous pourrions citer, le cas du nombril est le plus
significatif. En effet, sachant que le mot « nombril » est l’homologue
phonétique de « nombreel », les cabalistes le
décomposeraient en « nombre » et « el » pour en trouver la substantifique
moelle. Comme el est le nom de Dieu donné par les Sémites de
l’Antiquité, ce point, si spécial au regard de l’homme de Vitruve, est la
révélation physique de la signature divine dans les proportions du corps
humain. D’une part, c’est à partir de là que l’énergie nourricière de la mère
nous fut insufflée, et d’autre part, et c’est en cela qu’il nous intéresse ici,
il divise, en moyenne, la distance entre les pieds et la tête par le rapport du
nombre d’or. Le vers 1:27 de la genèse qui déclare que « l’homme a été bâti à l’image de Dieu » n’est donc pas une
parabole, il doit être compris de manière littérale, au premier degré.
Le dictionnaire Larousse
nous explique que : « Φ est la 21ème lettre de
l'alphabet grec (21=3x7),
correspondant, en grec ancien, à un « p » aspiré et, en grec moderne, à un « f ». Il est transposé
par « ph » dans les mots français issus du grec ». La
première syllabe des mots « Philosophie », « physique », « phyllotaxie », «
firmament », « Force » et « Feu » souligne le rapport intime que ces mots
entretiennent avec le nombre d’or. L’étymologie est une science à manier avec
le plus grand sérieux, parce que, comme vous avez pu vous en rendre compte
précédemment, les clefs d’investigations qu’offre cet outil sont inégalables.
Devant toutes ces
sympathies, il me semble peu présomptueux d’affirmer que Φ, véritable pivot tourbillonnant de l’harmonie
universelle (à entendre « uni vers el »
ou « uni ver sel », soit « sel vert uni » pour une
lecture de droite à gauche), est l’empreinte organique d’une matrice créatrice,
dont la structure est assujettie aux lois de la géométrie et de l’arithmétique.
Platon l’avait très bien compris puisqu’il déclara : « Dieu, toujours, fait de la géométrie » et « la géométrie attire l'âme vers la vérité, et forme l'Esprit
Philosophique, en forçant l'âme à porter en haut ses regards, au lieu de les
abaisser ».
Pour leur part, les
historiens racontent que le nombre d’or fut baptisé « phi » afin d´honorer le
sculpteur Phidias (480-430 av. JC), célèbre pour avoir
participé à la construction du Panthéon d’Athènes, où le rapport si précieux
est exalté dans les proportions de la façade. Devons-nous être estomaqué par le
fait que le nombre d’or était déjà utilisé cinq siècles avant l’ère chrétienne
chez les architectes grecs, mais également, d’après les travaux de René Adolphe
Schwaller de Lubicz (1887-1961), chez leurs confrères Égyptiens ? Absolument
pas, car tous les Artistes, dignes de cette majuscule, ont toujours essayer de
faire résonner leurs œuvres avec cette signature si particulière. Dans leur
désir de singer la nature (à entendre « saint G », où G est une présentation
graphique de la spirale), ils attribuèrent à Φ
le canon ultime de la beauté. À chaque fois que Φ est utilisé, c’est un hommage syncrétique à la
nature et au créateur qui est célébré. Depuis les grandioses pyramides du
plateau de Gizeh jusqu’aux peintures abstraites de Kandinsky, Φ a toujours été l’apanage du génie Artistique et la
marque d’une relation symbiotique avec l’univers. Cette forme d’expression est
assurément née d’une nécessité, celle de révéler et de glorifier dans le monde
matériel l’intelligence invisible de la création divine.
•••••
N’en déplaise à nos
contemporains, l’Art d’avant le XXème siècle n’avait rien en commun
avec les ‘‘œuvres’’ d´aujourd´hui. Le mot «
art » est devenu, malgré lui, un
terme fourre-tout dans lequel n’importe quelle création plastique peut trouver
sa place. Il suffit de fréquenter les galléries pour prendre conscience que
l’‘‘art’’ est devenu une mascarade intellectuelle et une pollution visuelle sur
laquelle des gens mal intentionnés ou des charlatans essayent de faire leur
fortune. En 1973, Jean Phaure décrivait déjà ce
courant avec l’objectivité qu’il méritait : «
l'art moderne est une magie noire, parfois au sens le plus opératif du terme, et
a pour fonction eschatologique, comme la psychanalyse, de replacer dans le
champ de notre conscience notre infra-psychisme peuplé de tous les résidus
psychiques et démoniaques qui avaient dans les phases précédentes du Cycle été
contenus dans ces caves par l'art sacré, les religions et la connaissance
initiatique ». Nul besoin de s’affranchir d’un doctorat en histoire de
l’art pour s’apercevoir que la créativité est, en comparaison avec les
réalisations de notre passé, la victime d’un processus de destruction
commandité. En effet, comment peut-on mettre sur le même piédestal les tableaux
de Jackson Pollock (1912-1956) avec ceux de
Michel-Ange (1475-1564), de Raphaël (1483-1520) ou de Botticelli (1445-1410) ? Malheureusement pour notre éveil et notre bien-être,
cette forme imposée de terrorisme intellectuel ne se limite pas aux frontières
de l’art, mais pourri tous les piliers sur lesquels reposent l’affranchissement
d’une société saine et équilibrée.
À cela, il faut ajouter
que la créativité d’une personne ne fait pas obligatoirement d’elle un Artiste.
Les maîtres sont formels et sont toujours là pour en témoigner ; on ne devient
pas Artiste du jour au lendemain, perfectionner son Art demande beaucoup de
travail et une ascèse spirituelle de tous les instants. Sans être passé par la
purification et la rectification de son âme – faire preuve de sainteté – il est
pratiquement impossible de recevoir l’inspiration divine, de résonner avec la
Force et ne faire qu’un avec la grâce de sa quintessence pour produire quoique
ce soit. Léonard de Vinci (1452-1519) enfonce le clou un peu
plus profond dans la chair des prétendants, bien souvent sans talent, en
suggérant que la qualification d´Artiste se mérite effectivement en haut lieu :
« l'artiste, sans cesse occupé à contempler
la création, rend au créateur un perpétuel hommage. Notre étude si patiente de
l'œuvre divine, demande plus d'efforts que de chanter matines ». L’Art
induit donc une relation fusionnelle avec le sacré, et en ce sens, il se doit
d’être un reflet de l’espace matriciel. Afin d’y parvenir, chaque détail doit
être mûrement réfléchi, mesuré et pesé. Absolument aucun élément ne peut être
le fruit du hasard. Et comme le soulignait Jean Phaure,
ce type de travail est aux antipodes de l’art spontané. Les proportions
arithmétiques et les tracés géométriques régulateurs organisent une composition
harmonieuse et résonnante. Le choix des couleurs s’accorde au symbolisme des
figures et des volumes. Les archétypes mythologiques et religieux se mêlent aux
références cabalistiques en tout genre. Et bien sûr, ne jamais oublier de se
souvenir du caractère hermétique de la forme, c’est-à-dire, comme le stipule
l’adage de la tradition : « montrer, signifier, et cacher… Tout à la
fois ». La divinité ne montre pas… elle signifie, elle suggère !
Dans le magma
supérieurement de l’esprit créatif, et puisqu’elle est souvent considérée comme
la pierre angulaire de tous les Arts, l’architecture occupe une place
privilégiée dans la relation qu’elle entretient avec les éléments naturels. La
synchronisation entre les propriétés d’un temple et les cycles temporels a
toujours été un des secrets les mieux gardés par les hautes sphères
initiatiques des castes sacerdotales. C’est dans la résolution de la quadrature
du cercle que la bâtisse est élevée vers le sacré, et fait ainsi valoir sa
fonction opérative en conjuguant les énergies célestes et terrestres en son
sein. Lorsqu’un temple est construit dans les règles de l’Art, sa forme
géométrique donne à l’espace son orientation, et comme une aiguille le ferait
sur un cadran solaire, elle donne aussi la mesure du temps. En cela, la
connaissance scientifique des cycles cosmiques élève l’Architecte au rang des
initiés, et dans cette finalité, il ne peut pas en être autrement.
Malheureusement pour
l´Humanité, peu de personnes comprennent véritablement les systèmes de codage
employés dans les œuvres d’Art de nos ancêtres. Et même si leurs tentatives
sont couronnées de succès, la doxa universitaire les labellise automatiquement
comme de doux illuminés. Cette étiquette justifie d’autant plus l’approche des
Arts par le prisme de la psychologie chez les modernes, car il faut bien tenter
d’apporter une explication, même fantasmagorique, sur les allégories, les
métaphores et les paraboles de la culture traditionnelle de nos maîtres. Quoiqu’il
en soit, nous allons essayer de décrypter quelques œuvres pour ce qu’elles
furent réellement tout au long de cette thèse. Dans cette optique, la meilleure
manière de s’y atteler est d’utiliser les outils qui nous ont été légués, et
dans cette virtuosité, la mesure des Arts Libéraux sont incontournables.
Les Arts Libéraux sont au nombre de 7 et
se divisent en deux voies : le Trivium et le Quadrivium.
-
Le Trivium se définit par
l’expression du Verbe (la Lumière) par les mots. Il
se divise en 3 matières : la
grammaire, la dialectique et la rhétorique.
-
Le Quadrivium se rapporte aux
pouvoirs des nombres, soit l’expression du Verbe par les mathématiques et se divise en 4 matières :
l’arithmétique, la musique, la géométrie et l’astronomie.
Aux côtés de ces 7 voies, un axiome
linguistique issu de la cabale hermétique, appelé la langue des oiseaux, vient compléter la palette déjà bien
fournie de l’Artiste. Cet argot, qualifié de solaire, dont les principes sont
sanctifiés dans l’apparence de son initiateur à la tête d’ibis, Djéhuty-Thot, se base exclusivement sur
l’assonance des mots, sans jamais prendre en compte les règles de l’orthographe
et de la grammaire. Richard Khaitzine (1947-2013) – l’ami qu’on aurait aimé avoir près de soi – en
parlait de la sorte : « Cette langue des
oiseaux, c’est celle révélée par Jésus aux apôtres par l’intermédiaire de son
Esprit, l’Esprit Saint. Souvenez-vous de cet épisode tiré des Évangiles. C’est
la période de la Pentecôte et les apôtres reçoivent le Don des langues sous
forme de langues de Feu, le Feu étant un synonyme d’Esprit. Mais dans ce cas,
vous demandez-vous, pourquoi l’appelle-t-on la langue des oiseaux ? Parce que
l’Esprit Saint, de nature volatile, est fréquemment symbolisé par un volatile,
un oiseau, souvent une colombe. ».
Dans le but de colmater les faiblesses du
langage et de fournir les dernières clefs indispensables à l’ouverture du
royaume fermé des mages, le disciple d’Hermès utilisera un autre vecteur de
transmission, encore très mal compris de nos jours : le symbole.
••••
Le symbole joue un rôle
plus que singulier : stimulant uniquement la psyché, ce signe figuratif
relie l’homme à son imagination et connecte sa pensée à des sphères
indescriptibles par les mots. En effet, le son d’un mot est une vibration que
l’ouïe peut entendre et dans cet état, il possède déjà une manifestation
matérielle. Le mot coupe maladroitement la dynamique de l’idée qu’il souhaite
définir ; c’est précisément pour remédier à cette faiblesse que l’emploi
du symbole démontre toute son efficacité. Par la création d’un pont entre le
créé et l’incréé, ce mode de lecture donne la possibilité au mental de
traverser le miroir des apparences, d’entrevoir l’envers du décor, en dehors de
l’espace et du temps. Ferdinand Brunetière (1849-1849) précisait : «
Le symbole est image, il est pensé… Il nous fait saisir entre le monde et nous
quelques-unes de ces affinités secrètes et de ces lois obscures qui peuvent
bien passer la portée de la science, mais qui n’en sont pas pour cela moins
certaines, tout symbole est en ce sens une espèce de révélation. ».
Si une image vaut mille
mots comme le suggère l’antique sagesse taoïste, un symbole vaudrait mille
images.
Nous ne pouvions pas
continuer cette introduction sans honorer le verbe aiguisé de René Guénon (1886-1951), parce que sa vie et son œuvre cristallisent à
elles seules une spiritualité sans concession. Il écrivait dans son livre Symboles
de la Science Sacrée : « Nous avons
déjà eu I’ occasion de parler de l'importance de la forme symbolique dans la
transmission des enseignements doctrinaux d'ordre traditionnel (…) Pourquoi
rencontre-t-on tant d'hostilité plus ou moins avouée à l’égard du symbolisme ?
Assurément, parce qu'il y a là un mode d'expression qui est devenu entièrement
étranger à la mentalité moderne, et parce que l'homme est naturellement porté à
se méfier de ce qu'il ne comprend pas. Le symbolisme est le moyen le mieux
adapté à l'enseignement des vérités d'ordre supérieur, religieuses et
métaphysiques, c’est-à-dire de tout ce que repousse ou néglige l'esprit moderne
; il est tout le contraire de ce qui convient au rationalisme, et tous ses
adversaires se comportent, certains sans le savoir, en véritables rationalistes
(…) C'est ainsi que les vérités les plus hautes, qui ne seraient aucunement
communicables ou transmissibles par tout autre moyen, le deviennent jusqu’à un
certain point lorsqu'elles sont, si l'on peut dire, incorporées dans des
symboles qui les dissimuleront sans doute pour beaucoup, mais qui les
manifesteront dans tout leur éclat aux yeux de ceux qui savent voir (…) Si le
Verbe est pensé à l'intérieur et parole à l'extérieur, si le monde est l'effet
de la Parole divine proférée à l'origine des temps, la nature entière peut être
prise comme un symbole de la réalité surnaturelle. Tout ce qui est, sous
quelque mode que ce soit, ayant son principe dans l'intellect divin, traduit ou
représente ce principe à sa manière et selon son ordre d'existence ; et, ainsi,
d'un ordre à l'autre, toutes choses s'enchaînent et se correspondent pour
concourir à l'harmonie universelle et totale, qui est comme un reflet de la
trinité divine elle-même. Cette correspondance est le véritable fondement du
symbolisme et c'est pourquoi les lois d'un domaine inférieur peuvent toujours
être prises pour symboliser les réalités d'un ordre supérieur, où elles ont
leur raison profonde, qui est à la fois leur principe et leur fin. »
Dans sa figuration
vulgaire, le saint bol prend la forme d’une coupe ou d’un calice, lors du
rituel magique de la messe, au moment du sacrement eucharistique, il recueille
le sang Christique – liquide métaphorique du fluide cosmique. L’évocation d’une
substance aqueuse rappelle inévitablement la façon dont les hermétistes
associaient le comportement de l’Esprit mercuriel avec un océan primordial. En
suivant le raisonnement analogique, le symbole remplit exactement la même
fonction que son homophone, révélé par la langue des oiseaux, à savoir que le saint
bol est le réceptacle et le révélateur dans le monde tangible, des principes
indicibles de la matrice universelle.
Je conçois que pour la
plupart d’entre vous l’hermétisme parait bien mystérieux, voire même
chimérique, d’autant plus que ce courant philosophique propose des perspectives
historiques et scientifiques que la pensée dominante qualifie d’irrationnelles
d’emblée. J’entends déjà la rhétorique des plus endoctrinés « comment l’homme de l’antiquité
pouvait-il connaître ce que la science moderne commence à peine à entrevoir
? Ne sommes-nous pas supérieurs à ces
bouseux du passé » ?
Eh oui, et quoi qu’il en
pense, l’Homme d’aujourd’hui n’a pas conscience de son ignorance. Mais, il ne
faudrait surtout pas lui jeter la pierre, car depuis les bancs de l’école
maternelle jusqu’aux amphithéâtres des universités, il est poussé à répéter
naïvement ce qu’on lui apprend. Et vu que la majorité a grandi dans le même
système, il est logique que les gens “normaux” soient tous formatés de la même
manière. À sa décharge, il faut reconnaître que la quête du savoir, de
l’enrichissement intellectuel et culturel est une activité qui n’est plus
valorisée. Absolument rien n’est organisé pour nous encourager à lire les
ouvrages des bibliothèques et à multiplier nos connaissances générales. Ce
triste constat est l’inexorable conséquence d’une éducation régalienne constamment
nivelée vers le bas, de la propagation et la normalisation de la culture de
l’artificiel (au détriment du naturel), de la promotion et la standardisation
de la médiocrité par les médias dominants, de l’abrutissement et la
manipulation hypnotique des masses par la télévision. Et surtout, du déni
toujours croissant d’un royaume spirituel transcendant et salvateur. C’est un
fait, on ne compte désormais plus les amis qui sont très fiers de leur
agnosticisme… Quelle tristesse !
À l’aube du XXIème
siècle, l’effondrement de la pensée est à l’image de la décadence, de la
dégénérescence et de la déchéance de notre civilisation. Cette sclérose
intellectuelle est devenue un obstacle de plus en plus épineux à franchir pour
ceux qui prennent les chemins de l’évolution spirituelle, de l’émancipation
personnelle ou la voie gnostique. Le conditionnement social est tellement
puissant que les intrépides, ceux qui osent encore réfléchir par eux-mêmes,
sont souvent mis sur le banc des infréquentables et sont malheureusement sujets
à la moquerie. Il faut faire preuve d’une sacrée force de caractère pour se
libérer de la vindicte populaire et du jugement d’autrui. Ce travail demande
une profonde et délicate introspection sur soi-même, très peu de personne sont
prêtes à souffrir pour dissoudre les illusions du quotidien afin de s’en
libérer complètement. Être capable de vider son calice de toutes les scories,
pour ensuite le remplir à nouveau d’une lumière plus radieuse, est un
accomplissement qui se mérite sur la durée.
La prudence, la
tempérance, la force d’âme et la justice sont les vertus cardinales nécessaires
à l’ouverture du royaume de Dieu. Si la persévérance est notre loyal serviteur
sur le chemin de la vérité, l’essence verticale du Feu solaire illuminera nos cœurs et le travail entrepris sera
toujours couronné de succès. Sans cette quête spirituelle, je n’aurais
probablement jamais trouvé le courage de partager avec vous ces quelques
lignes, parce que les courants métaphysiques sur lesquels les vents de cette démonstration
vont nous porter sont ridiculisés par l’orthodoxie du système éducatif et très
mal compris par la culture globalisée d’aujourd’hui. Cette thèse n’aurait
jamais pu devenir une pierre originale portée à l’édifice, si nos préjugés
habituels n’avaient pas été surpassés, si les terres de l’inexploré n’avaient
pas été repoussées et si notre réalité n’avait pas été transcendée.
Pour ce faire, l’étude
scientifique et syncrétique des principaux symboles religieux est l’axe majeur
– son axis mundi – son autour duquel cette
thèse va évoluer. Tel un Jason moderne en quête de la Toison d’or, guidé par la
clarté de l’étoile polaire, nous naviguerons sur les océans vibratoires les
plus mystiques et les moins inimaginables. Je vous invite donc à explorer la science
sacrée à bord de mon vaisseau, de lever le voile sur la nature naturante du Saint-Esprit
et de larguer les amarres vers les mystères les plus absolus de tous : la
création et l’origine de l’espace-temps.
Ludovic Nicolas